Les ateliers d'écriture: une communauté d'apprentissage

"L'apprentissage en tant que manière d'être est une mentalité en soi. C'est une façon d'habiter le  monde...L'apprentissage en tant que manière d'être constitue une attitude globale face à l'expérience, une façon de concevoir ou d'interpréter toutes les expériences comme des occasions d'en savoir davantage." (Peter B. Vaill)

Depuis mon implication dans la mise en oeuvre des "ateliers d'écriture" dans mon école, j'essaie du mieux que je peux, de créer du matériel, de faire de la recherche, de répondre aux besoins des enseignants, et ce, tout étant titulaire d'un groupe-classe. Depuis le mois de février, je suis en congé sabbatique et je pense que c'est le moment idéal pour faire le point. Ce billet vise à faire un mini-bilan de l'implantation des "ateliers d'écriture" dans mon école. J'espère que le partage de mes réflexions saura être utile à toute équipe-école qui désire faire de même.

Il y a 4 ans, j’ai expérimenté cette approche de l’enseignement de l’écriture avec mes élèves de 3e année. Convaincue des bienfaits de cette méthode, j’ai voulu la mettre en place dans mon école et en faire bénéficier tous les élèves du primaire. Finalement, c'est à l'automne 2018 que nous avons décidé d'implanter les "ateliers d'écriture" du TCRWP, de la maternelle à la 6e année à l'école Mgr Scheffer.

Des conditions gagnantes pour la mise en place des "Ateliers d'écriture"

Bâtir une communauté d'apprenants
Il faut dire que cette période d’expérimentation fut assez déstabilisante pour nous toutes. Non seulement il fallait enseigner un contenu non- maîtrisé, accepter l'ambiguïté, et gérer le stress face au changement, mais il fallait aussi développer une culture de collaboration entre nous. Cela m'a semblé difficile. 

À notre école, les interactions entre les enseignants et les enseignantes sont de type convivia chacun s'informe des activités quotidiennes de l'autre, de façon amicale, sans plus. Il faut mentionner que l'école est un milieu de vie qui reflète la vision et les valeurs de la communauté. Ici, comme dans la plupart des villages de la Basse-Côte-Nord, les valeurs sont surtout centrées sur la famille, les sports, les activités communautaires et les fêtes annuelles, par exemple. Tout le monde ou presque se connaît et les échanges entre collègues à l'école, sont souvent plus centrés sur les petits aspects du quotidien que sur la pédagogie. 

La confiance: facteur essentiel à la collaboration dans les écoles
Pour devenir une réelle communauté d'apprentissage, la Direction d'école doit instaurer un climat de confiance et favoriser la communication entre chacun des membres du personnel. Si on veut briser l'isolement, se soutenir et apprendre ensemble, il faut se faire confiance les uns envers les autres.  Il est clair que la réussite de ce projet dépend des relations qu'on entretient entre collègues. Pour établir des relations de qualité il est essentiel d'être sincère et honnête lors des discussions ou des échanges sur nos pratiques. La capacité de communiquer ouvertement nos idées, nos opinions et nos valeurs est un facteur essentiel dans le développement d'une communauté d'apprentissage. À mon avis, il reste un énorme travail à faire pour améliorer cet aspect et parvenir à une réelle culture de collaboration  chacun sent qu'il fait partie du processus de changement.

Des occasions de développement professionnel
Comment trouver suffisamment de temps pour le développement professionnel?  La solution c'est d'en faire une priorité! La Direction d'école doit être un leader pédagogique qui assure le suivi et encourage la collaboration. Elle a un grand rôle à jouer afin de permettre des rencontres pédagogiques fréquentes entre les enseignants. Ces moments de réflexion sur nos pratiques sont aussi des occasions de partage de ressources entre collègues et même de soutien psychologique. Plus il y aura des rencontres, plus on renforcera la culture de collégialité dans l’école. Lorsque nous prenons le temps d’échanger sur nos stratégies d'enseignement, nous enrichissons nos connaissances et nous perfectionnons notre expertise. Notre développement professionnel en dépend et il aura certainement un impact sur la réussite des élèves, à long terme.

De l'accompagnement
Libérée de 20% de ma tâche d’enseignement, j'ai pu accompagner mes collègues dans la mise en œuvre du projet. Mon rôle fut surtout d’encourager la prise de risques des enseignantes et garder la motivation dans ce processus de changement de pratique. Parfois je discutais sur l’aménagement de la classe avec une enseignante, d’autres fois je planifiais une mini-leçon avec l’enseignante afin de comprendre l’ensemble de la démarche proposée dans les modules d’écriture. À quelques occasions, j’ai pu offrir des conseils ou poser des questions pour inciter la réflexion. J'ai aussi présenté des planifications des modules afin que la célébration des auteurs puisse être célébrée au même moment dans toute l'école. Je dois dire que je me suis aussi présentée aux yeux de mes collègues, comme une apprenante. Mon rôle était celui de chercher à connaître les besoins et les préoccupations des enseignantes tout en étant moi-même engagée dans un processus d'apprentissage continu. 

Afin d'assurer le développement de mon expertise, j'ai eu la chance de visiter une école newyorkaise durant l'automne 2018. De plus, nous avons reçu la visite de monsieur Yves Nadon à deux reprises. Durant l'été 2019, j'ai reçu une formation de 5 jours à l'Institut d'été de Sherbrooke et je prévois participer à l'Institut d'été de New York au mois d'août prochain. Je dois améliorer mes compétences professionnelles pour favoriser l'émergence de meilleures pratiques d'enseignement de l'écriture et de la lecture dans mon école. Il faut un leader qui puisse répondre aux questions, qui puisse mettre son expertise au service du groupe. Je suis prête à jouer ce rôle.

Ce qui reste à faire
L'implantation des "Ateliers d'écriture" doit se voir sur un continuum. La phase d'appropriation est passée. Aujourd’hui on peut dire que plusieurs enseignantes, ont compris la philosophie des ateliers d’écriture. Elles ont une meilleure connaissance des modules sur les textes narratifs, informatifs et d’opinion. De plus, elles planifient leurs ateliers en prévoyant le matériel nécessaire et aménagent l’espace de leur classe pour créer une aire de rassemblement utile aux mini-leçons. Afin de rendre leurs ateliers efficaces, elles doivent créer des tableaux d’ancrage, écrire des textes modèles, faire la recherche d’une œuvre littéraire, préparer le matériel d’écriture et j’en passe! La plupart des enseignantes, ainsi que moi-même, nous pouvons dire que nous devenons de plus en plus habiles dans l’application des ateliers d’écriture. 

Il aurait été cependant pertinent de rassembler les données en écriture, des élèves de la 1ère à la 6e année afin de faire une évaluation du projet dans son ensemble. Peut-être pourrons-nous utiliser quand même les résultats des élèves de 4e et 6e année, aux épreuves du Ministère, mais en se concentrant sur le critère "informations".  Comment recueillir les preuves de l'efficacité du projet? Je me questionne là-dessus...

La prochaine étape sera celle de s’approprier efficacement la démarche des entretiens individuels. Les entretiens individuels sont un moyen pour l’enseignante d’entrer en contact avec l’élève et d’interagir avec lui sur son processus d’écriture. Durant cet entretien, l’enseignante suit une démarche en 4 étapes : la recherche, la décision, l’engagement et le lien. Ce modèle d’interaction permet à l’élève d’une part, un questionnement métacognitif sur son processus d’écriture et à l’’enseignante, d’autre part, d’apporter le soutien nécessaire à l’élève par un enseignement explicite individualisé. C’est dans les entretiens individuels que l’enseignante doit choisir la méthode d’enseignement approprié au besoin de l’élève. Elle peut avoir recours à une démonstration, à la pratique guidée, ou à l’étude d’un texte modèle.  

Pour ce faire, il faudra offrir de l’accompagnement aux enseignantes afin qu’elles expérimentent la démarche et prennent de l’assurance dans leur pratique.  Des visites entre collègues pourront être proposées afin d'expérimenter les entretiens plusieurs fois, avec plusieurs élèves, dans différentes classes. Lors de rencontres pédagogiques, les enseignantes seraient invitées à faire une auto-analyse de leur pratique grâce à des extraits audios enregistrés de leurs entretiens. Afin de transformer l'école en communauté d'apprentissage, il pourrait être envisagé d'offrir des occasions de s'observer mutuellement  mais cela doit être dans une perspective de confiance et de respect. Il faudra réfléchir aux structures à mettre en place dans notre école afin de permettre un apprentissage professionnel basé sur la pratique.

D'ici deux ans d'autres modules en écriture seront traduits et il y aura plusieurs modules en lecture. Je pense pouvoir proposer l'expérimentation des modules de lecture de la 1ère à la 3e année du primaire dès l'an prochain. Par la suite, une réévaluation du projet pourrait être prévue.

Beaucoup de travail a été réalisé jusqu’à maintenant et il faut surtout poursuivre nos efforts dans cette voie. Miser sur une vision à long terme et s’engager dans la réussite des élèves, voilà ce qu’il faut faire. Ce projet pédagogique des "ateliers d'écriture" du TCRWP peut transformer des pratiques et offrir un enseignement de qualité aux élèves de l’école, autant en lecture qu’en écriture. Moi j'y crois, et vous?







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