Rencontres inoubliables

C'est le lundi 29 octobre dernier, que je marchais sur la rue Amsterdam à New York, en direction de l'école Lillian Weber! Dans ma tête se bousculaient mille et une questions. Mon coeur battait aussi fort que mes talons sur le trottoir. J'allais rencontrer des expertes en ateliers d'écriture: mesdames Céline Beloeil et Carina Sandrini-Cooke. Quelle chance!


À mon arrivée dans la classe de Céline Beloeil, les élèves étaient en petits groupe et s'affairaient à résoudre des problèmes mathématique! Ça bouillonnait d'interactions et je me sentais déjà bien! Des tableaux d'ancrage de toute sorte décoraient les murs de la classe, et représentaient pour moi, l'indice d'un enseignement de qualité.

Ce matin-là, j'ai pu observer madame Céline Beloeil en pleine action, avec ses 25 élèves de 4e année. Dès mon arrivée, j'ai été charmée par le petit accent français de cette enseignante, qui faisait la lecture de "Toi, vole". C'est donc par un atelier de lecture que j'ai pu plonger tête première dans un enseignement explicite. Voici mes observations...

Madame Beloeil fait tinter doucement son petit carillon pour rassembler ses élèves au tapis. Elle présente alors l'album et débute la lecture. Après seulement quelques pages lues, elle pose la question:
-Pourquoi à votre avis, il ne faut surtout pas se faire prendre?
Elle leur demande de discuter deux par deux, avec leur partenaire. Après une quinzaine de secondes, elle fait tinter sa petite cloche, puis elle repose la question à un élève. Puis une autre question:
-Quelles sont leurs stratégies pour ne se faire remarquer?
Les élèves répondent que les personnages ont un sac de voyage, qu'ils sont habillés normalement et qu'ils se promènent aux différents endroits dans l'aéroport. Puis elle poursuit la lecture et demande:
-Si vous deviez décrire les personnalités du papa et du petit garçon, comment les décririez-vous? Utilisez les fiches sur le mur. J'observe les élèves qui se regroupent avec leur partenaire et qui discutent en regardant les affiches sur le mur.

Alex déclare:
-Le petit garçon ne perd pas espoir.
L'enseignante revient aux affiches afin de l'aider à mieux définir les caractéristiques du personnage. L'élève répond que le garçon est plutôt optimiste, tenace et courageux. Elle demande ensuite aux élèves:
-Comment peut-on prouver qu'ils sont courageux? Quel détail vous le dit dans le texte?
Un élève répond:
-Ils sont malins parce qu'ils vivent à l'aéroport plutôt que dans la rue et ils utilisent différentes stratégies pour ne pas se faire remarquer. Un autre élève reprend le passage de l'oiseau qui essaie de s'envoler et il dit:
-He wants to go, he stuck in the airport.
Madame reprend:
-C'est l'espoir pour lui aussi, de s'envoler un jour, c'est un symbole.
Madame Beloeil termine la lecture et leur demande de décrire la personnalité du petit garçon avec trois adjectifs en donnant des exemples pour chacune des qualités.

C'est un peu plus tard, dans un atelier de mathématique que  j'entends cette enseignante remarquable dire: "ce n'est pas la réponse qui compte, c'est le processus".  Je trouve que cette phrase reflète bien son enseignement. Elle a une vision globale des compétences à développer et c'est là-dessus qu'elle travaille.

Le mercredi suivant, jour d'Halloween, j'ai eu la chance de lire quelques textes des élèves de 4e année et j'ai été très impressionnée par leur contenu. Flore écrivait une histoire sur un personnage nommé Eva qui allait faire un spectacle de sirène et la description détaillée des émotions du personnage me fit frémir. C'était un texte de toute beauté. J'ai beaucoup aimé celui de Nicolas qui racontait son histoire au "je" en débutant par une introduction dramatique: "J'étais très petit sur la grande montagne blanche. J'étais comme une fourmi dans une grande maison. J'avais froid, même dans mon grand manteau de ski."

J'attends avec impatience leur publication afin de les partager à mes élèves. Je salue le beau travail de ces auteurs!

C'est vraiment en lisant les textes des élèves que je me suis rendue compte du long chemin que nous devons parcourir afin de vivre pleinement les ateliers d'écriture, mes collègues et moi. Mais le processus pour y parvenir me semble tellement stimulant. En ayant été témoin de cela, j'ai pu aussi constater le lien de cohérence qui unit les ateliers d'écriture aux ateliers de lecture. Ce que les élèves font en tant qu'auteurs, ils le vivent aussi en tant que lecteurs.  C'est l'arrimage parfait qui profitera à nos élèves de milieu anglophone. J'ai maintenant une vision plus globale de cette nouvelle approche de la littératie. Voir une enseignante efficace au travail, c'est la meilleure formation du monde et je ne serai jamais assez reconnaissante! Merci Céline!
P.S Céline Beloeil a commencé à enseigner à Paris. Pendant cinq ans, elle y enseigne dans différents niveaux de la maternelle et de l’élémentaire, dans des écoles accueillant beaucoup d’enfants immigrés. En 2008, elle déménage à New York et contribue à l’ouverture du programme bilingue franco-américain de PS84, une école publique de Manhattan. Elle y enseigne en 1ère année en anglais et en français et adapte les modules d’enseignement de lecture et d’écriture du Teachers’ College Reading and Writing Project aux besoins de ses élèves ainsi qu’aux ressources disponibles dans l’école. Céline enseigne actuellement en 4ème année et se consacre à la formation des enseignants : coaching individuel et organisation de développements professionnels." (source: blogue: Les ateliers d'écriture et de lecture au primaire)

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