"La ruelle" de Céline Comtois: un texte modèle en écriture

J'ai toujours aimé le printemps.
Je me revois assise sur le bord du trottoir, une pelle et un seau à la main. Je parcourais des yeux les petits ruisseaux creusés dans la neige comme des petits vaisseaux sanguins qui reprennent vie. Quelques petits coups de pieds avec le talon de mes bottes de caoutchouc transformaient le petit vaisseau en une grande artère. L'odeur de la terre noire et humide parvenait jusqu'à mes narines et le soleil réchauffait mon visage. Le monde reprenait vie. J'étais bien.

L'album "La ruelle" m'a replongée dans mes souvenirs d'enfance. En découvrant le personnage d'Élodie, je me suis retrouvée, moi, Kathy, vers l'âge de 6 ans. Par la description détaillée des actions et la narration au "je", l'auteure nous plonge dans le moment présent. Comme lectrice, je découvre la ruelle en même temps qu'Élodie et je pénètre entièrement dans son univers parce que l'auteure utilise avec brio plusieurs procédés littéraires. Je me suis demandé alors "Qu'est-ce que Céline Comtois a fait pour que cette oeuvre me touche autant?"

"Comment est-ce que je pourrais mieux aider mes élèves à améliorer leur écriture?"

Souvent je remarque dans les écrits de mes élèves, un manque de détails, comme si tout était clair dans leur tête et que, ils n'arrivaient pas à mettre l'histoire sur papier. Je me retrouve devant des textes où l'élève mentionne à peine qu'il est dans la voiture ou bien je lis le récit d'un chien blessé dans lequel l'élève omet de mettre des informations sur la blessure.

Je vous présente quelques procédés littéraires utilisés par l'auteure Céline Comtois qui pourraient être abordés avec vos élèves durant vos ateliers d'écriture:

La description des actions étape par étape
L'auteure a réussi à décrire un petit moment de deux minutes en 40 pages! Elle étire le moment. Le premier aspect que j'aborderais avec mes élèves, en écriture, serait celui de la description des actions, étape par étape.
Céline Comtois, dans son album "La ruelle", décrit les actions d'Élodie étape par étape. Voici un extrait:
"Je traverse la cour, ouvre la porte de la clôture et passe la tête de l'autre côté. À gauche, à droite, encore à gauche. Pas de voiture, pas de vélo. Je saute comme dans une marelle, sur un pied puis sur l'autre, jusqu'à la ruelle. Où est-ce que je pourrais bien aller cette fois? Je ferme les yeux, je deviens une toupie, et tourne, tourne, tourne..."

En plus de bien décrire les actions du personnage, l'auteure nous donne accès aux sentiments et aux pensées d'Élodie.

La narration au "je
Le lecteur vit l'histoire racontée par le personnage-narrateur, ce qui fait qu'on vit le moment en même temps qu'Élodie.

Le personnage
Élodie se définit au fur et à mesure de la lecture de l'oeuvre. On la sent enjouée, prête à tout découvrir, qui saute comme dans une marelle et qui tourne comme une toupie. Élodie est une petite fille comme toutes les autres; qui aime s'amuser, observer les fourmis, jouer à la cachette et faire des grimaces. Plus on avance dans la lecture, plus on découvre qui elle est, et plus on s'attache à elle. C'est ici que les illustrations de Geneviève Desprès subliment le tout. La petite Élodie au sourire coquin, nous semble tout à fait insouciante, c'est l'innocence et la naïveté incarnées. Sa tignasse noire tout ébouriffée et sa veste jaune à boutons nous fait craquer! On est tout simplement séduit!

La description par les sens
Le texte de Céline Comtois et les illustrations de Geneviève Desprès travaillent conjointement pour produire une lecture par les sens. Toutes les scènes sont décrites avec beaucoup de détails, tant par le texte que par l'image et c'est ainsi qu'on s'immerge facilement dans le récit. C'est par les sens qu'on fait la découverte de la ruelle avec Élodie. Celle-ci regarde à gauche, puis à droite, tourne ou sautille et on se promène d'une maison à l'autre, avec elle. D'autres fois on se laisse imprégner visuellement par les couleurs chaudes de la ruelle. Puis soudain, à la page suivante, on est surpris par un son: "Cric...Crac!" Ou bien on ressent les petites roches de gravier sous les mains d'Élodie ou bien on imagine le goût du gâteau au citron. Mmmm!

Le livre
La mise en page qui varie au sein de l'album (des illustrations sur des doubles pages, différents cadrages en plongée ou en contre-plongée, des pages noires) contribue à créer l'effet de surprise. Le lecteur devient l'explorateur de la ruelle. Le fait d'utiliser les pages de garde, de changer l'orientation du texte, de jouer avec les conventions, tout cela dynamise la lecture.

Le choix du vocabulaire
Lorsqu'il sera temps pour vos élèves de réviser leurs textes, vous pourriez reprendre l'oeuvre et étudier le choix des mots de l'auteure. Ces mots pourraient être expliqués aux élèves et affichés sur le mur de mots.Voici une liste de quelques-uns:
-marelle-ruelle-toupie-gravelle-gravier-colonie-pavot-scruter-trottinette-cabossées-scintillant-ricochant-grinçante-tignasse-ébouriffée-pétillants-intriguée-irritée-écarquiller-babouin-babines-pouffer-fouiner-

Plusieurs autres procédés littéraires auraient pu être abordés dans cet article car cette oeuvre est riche sur plusieurs points. L'album débute par un dialogue, plusieurs onomatopées viennent renforcer le suspense, et il y a la ponctuation et les points de suspension... et j'en passe!

C'est un coup de coeur absolu! Faites-le connaître à vos élèves!

P.S Un merci tout spécial à Geneviève Desprès, pour les illustrations magnifiques!

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